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Depuis plusieurs dizaines d’années, les réformes successives du financement de la Sécurité sociale, en vue de faire face à l’augmentation des dépenses, ont consisté généralement à majorer les taux de cotisations ou à diminuer les divers avantages servis.


Si le système de cotisations sur salaires a relativement bien fonctionné pendant les «trente glorieuses», il a atteint aujourd’hui ses limites. Il devient urgent d’engager une véritable réforme du mode de financement du régime général, comme d’ailleurs de l’ensemble des autres régimes, en faisant appel dorénavant à la solidarité nationale pour financer toutes les prestations universelles.


 

Les réformes de l’assurance maladie ont conduit à des baisses répétées des taux de remboursement, voire même au déremboursement complet de nombreux médicaments ou à la création de divers «forfaits», à la charge de chaque patient.


Depuis un décret de juillet 2006 notamment, alors que l'assurance maladie prenait totalement en charge tous les actes médicaux dits "lourds", une participation de l'assuré de 18 euros est maintenant prévue pour tous les actes affectés à la nomenclature générale des actes professionnels d'un coefficient égal ou supérieur à 50 ou d'un tarif égal ou supérieur à 91 €.


Ce forfait s’ajoute à ceux déjà existants comme le forfait de séjour hospitalier, la retenue d’un euro par feuille des soins ou aux nouvelles franchises que le gouvernement entend mettre en place au 1er janvier 2008 (consultations, hôpital, analyses médicales, médicaments). Une véritable "rupture", chère à Nicolas Sarkozy, qui consiste à faire payer la même somme aux catégories aisées comme aux plus modestes !

 

Non seulement ces franchises accroissent les inégalités dans l'accès aux soins, mais elles contribuent à la croissance des dépenses de santé car elles produisent de l'inflation. Que veut dire "responsabiliser" les malades, terme évoqué par la ministre de la Santé, pour justifier ce dispositif de franchises alors que 52 % des dépenses médicales sont engagées par 5 % des Français qui sont vraiment malades. Sont-ils responsables de leur âge, de leur cancer ou de leur diabète ?


En ce qui concerne la branche vieillesse, les réformes des retraites Balladur en 1993 et Fillon en 2003 ont conduit à une baisse sensible du montant des pensions en modifiant principalement pour l’une le nombre d’années de référence pour le calcul de la pension (des 10 meilleures années aux 25 meilleures) et pour l’autre le nombre d’années pour avoir une pension au taux plein (de 37,5 années à 40 années puis 41 et 42 années)

Malgré toutes ces mesures, le déficit du régime général de la Sécurité sociale s’élevait fin 2006 à 9,7 milliards €, répartis de la façon suivante par branche :


- Maladie : 6 milliards €


- Vieillesse : 2,4 milliards €


- Famille : 1,3 milliard €


Pour faire face à ce déficit chronique, Michel Rocard avait en son temps créé la CSG et une assiette de cotisations un peu plus large, mettant à contribution l'ensemble des revenus des personnes physiques (revenus salariaux, revenus de remplacement, revenus financiers). Mais la CSG repose encore fortement sur les salaires et reste un prélèvement «proportionnel», donc injuste parce que ne taxant pas les foyers fiscaux selon leur faculté contributive, comme peut le faire l’impôt progressif sur les revenus. De plus, la part des salaires dans la richesse produite chaque année a baissé de 10 points ces trente dernières années, ce qui accentue encore un peu plus les problèmes de financement.


Les différentes prestations maladie ou familiales étant accessibles à tous les citoyens, salariés ou pas, le principe de solidarité nationale exigerait que soient mis à contribution l’ensemble des revenus des personnes physiques et que l’actuelle CSG soit fusionnée avec l’impôt progressif sur le revenu. Cela s’inscrirait dans une autre logique de financement à la fois plus juste et plus conséquent qui présenterait en outre d'autres avantages :

- la création d’un impôt citoyen sur le revenu simplifié et lisible, destiné à financer les prestations universelles selon la faculté contributive de chacun.


- un traitement égal pour tous les citoyens, quel que soit le statut de chacun : actifs, retraités, salariés du secteur privé, fonctionnaires, artisans, commerçants, professions libérales, chefs d’entreprises, etc.


- une augmentation sensible du salaire net par l'arrêt de la hausse des taux de cotisations

 

- le règlement du problème du déficit du Régime général et des autres régimes


Dans le cas particulier de la branche vieillesse, il semble toutefois difficile d’abandonner totalement les cotisations sur salaires car la retraite est basée avant tout sur le salaire perçu. Aux cotisations sur salaires actuelles pourrait donc venir se greffer une partie de ce nouveau financement. Un tel financement mixte existe déjà plus ou moins pour les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des gaziers, cheminots, agents de la RATP, financés à plus de 60% par des subventions de l’Etat.


Les cotisations patronales


Le problème de l’étroitesse de l’assiette salariale se pose également pour les cotisations des entreprises, dites cotisations patronales. C’est ainsi que les entreprises à fort taux de main d’œuvre, avec une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à celles ayant une faible masse salariale mais une haute valeur ajoutée.


Le remplacement des cotisations patronales par une contribution sur la valeur ajoutée serait la mesure la plus appropriée et équivaudrait à la création d'une «CSG entreprise». Cette proposition fut explorée à plusieurs reprises au travers de divers rapports commandés, par le passé, aussi bien par Alain Juppé que par Lionel Jospin, Premiers ministres.


Un tel changement d'assiette des cotisations patronales serait une véritable révolution. Il reviendrait pour la première fois à inclure les profits d'exploitation des entreprises dans l'assiette de financement de la Sécurité sociale, notamment les entreprises ayant «ajusté à la baisse» leur masse salariale à l'occasion de restructurations ou délocalisations.


La «CSG entreprise» aurait également des effets bénéfiques sur l'emploi des PME, souvent étranglées par les contraintes imposées par les «donneurs d'ordre».


Plusieurs syndicats sont pour cette raison, favorables à cette nouvelle assiette qui serait de surcroît beaucoup plus stable que l'assiette salaire. Il n'est pas anodin que la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union patronale artisanale (UPA) y soient particulièrement favorables à la différence du MEDEF.


La CSG entreprise serait aussi facile à mettre en place. Elle existe en effet déjà en germe dans l'actuelle contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), assise sur la valeur ajoutée, mais dont le taux est très faible. Pour réaliser le basculement total des cotisations patronales vers cette CSG entreprise, il suffirait de supprimer les cotisations patronales et leur substituer une C3S dont le taux serait à peu près multiplié par 40 par rapport à son taux actuel.


Les exonérations de charges concernant les employeurs


Une réforme en profondeur du financement de la sécurité sociale ne peut ignorer également le problème des exonérations de charges accordées indistinctement aux entreprises. Ces baisses de charges qui coûtent plus de 20 milliards d’euros, chaque année au budget de l'Etat, n'ont jamais suscité les créations d'emplois annoncées.


La situation financière des entreprises est cependant hétérogène et une réforme des cotisations patronales devrait par conséquent favoriser exclusivement les entreprises fortement créatrices d'emplois et ne délocalisant pas.


La dette de l'Etat


Dans une note de janvier 2007, l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), indiquait que la dette de l’Etat, vis à vis du seul régime général, aurait atteint 5,9 milliards d’euros à la fin 2006, soit 1 milliard d'euros de plus qu'un an auparavant, cette nouvelle augmentation étant liée principalement à :


- des exonérations de cotisations que l'Etat s'était engagé à prendre à sa charge : contrats d'apprentissage et de professionnalisation, exonérations dans les DOM, etc. (700 millions €)


- des prestations sociales versées pour le compte ou prises en charge par l'Etat sans que les budgets votés suffisent à couvrir la dépense (400 millions en 2006 pour l'AME et l'API).


Particularité de la France dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, cette dette n’apparaît ni dans le déficit budgétaire (les sommes n'étant pas effectivement versées par l'Etat), ni dans le déficit de la Sécurité sociale (qui, elle, intègre ces créances dans ses comptes). Les coûts de trésorerie associés à la dette ont de plus représenté 160 millions d'euros en 2006 !


Aujourd’hui, une vraie réforme du mode de financement de la sécurité sociale suppose d’en finir avec les «réformettes» à courte vue et exige de considérer que les cotisations assises sur les salaires ne permettent plus à elles seules de faire face aux besoins des différentes branches, maladie, famille et vieillesse.


Mais, c’est avant tout un «choix de société» qu’il convient de faire, encore faut-il en avoir la volonté politique en décidant de faire appel dorénavant à la solidarité nationale et donc à l’impôt plutôt qu’à une nouvelle ponction sur les seuls salaires et/ou à une baisse du montant des prestations.


Faute d’une répartition plus juste du financement, ce serait encore sur les ménages et les revenus du travail que pèserait le fardeau de la solidarité…


 

Ces propositions sont inspirées en partie par M. Liem Hoang-Ngoc, professeur à l’université Paris-1

Tag(s) : #Sécurité sociale - Retraite
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