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Le débat public sur la fiscalité se limite trop souvent au seul impôt sur le revenu. Intoxiqués par la pensée unique, nombreux sont ceux en effet qui considèrent encore que cet impôt est l’impôt principal en France, à plus forte raison quand certains candidats à l’élection présidentielle font de sa baisse un de leur cheval de bataille. Or, cet impôt ne représente plus en 2007 que 19,05 % des recettes de l’état et 50% des foyers fiscaux ne l’acquittent pas !


Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy et Jean Marie Le Pen, le premier parlant de diminution, le second de disparition pure et simple font preuve d’une totale irresponsabilité car vouloir réduire encore le volume des impôts sur le revenu en laissant «filer» les impôts indirects, est tout à fait injuste car ces derniers touchent de la même manière les ménages aisés comme les plus pauvres...

C’est également un non-sens économique car les inégalités sociales, déjà très grandes en France (plus de 7 millions de personnes pauvres au sens des critères retenus par l’union européenne : 60% du revenu médian, soit environ 780 € par mois) vont continuer dangereusement à croître et le financement des politiques économiques sera rendu pratiquement impossible.


L’impôt sur le revenu est sans aucun doute l’impôt le plus juste aujourd’hui car il s'applique selon un taux progressif en fonction des différentes tranches de revenus.

Entre 2002 et 2006, les mesures prises par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique De Villepin pour diminuer l’impôt sur le revenu se sont traduites par une baisse de près de 8 milliards d’euros. Antérieurement, Laurent Fabius, ministre des finances sous le gouvernement Jospin, baissa lui aussi les impôts sur le revenu, en particulier pour les revenus supérieurs à dix fois le SMIC…

Aujourd’hui, la loi de finances 2007 continue sur la même lancée : un couple marié avec deux enfants disposant d’un revenu mensuel médian (1 484 €) bénéficiera d’une baisse de 48 € de son impôt mais un couple dans la même situation mais disposant d’un revenu égal à 20 fois le SMIC bénéficiera d’une baisse de 12 665 € !

C’est toujours la même poignée de très riches contribuables qui sont privilégiés selon le SNUI (syndicat national unifié des impôts) :

- 10% des contribuables ont bénéficié de 69% de la baisse de 5% en 2002

- 4,5 % des contribuables ont bénéficié de 56% de la baisse de 1% en 2003

- 2,9% des contribuables ont bénéficié de 45% de la baisse de 3% en 2004

Les mesures dérogatoires que sont les niches fiscales permettent encore de diminuer l’impôt sur le revenu et atteignent 60% du produit de l’impôt sur le revenu, soit environ 30 milliards € !

L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF)

En ce qui concerne l’impôt de solidarité sur la fortune, Nicolas Sarkozy a affirmé qu’il ne toucherait pas à cet impôt qui concerne principalement les personnes dont le patrimoine (après de nombreuses exonérations…) est supérieur à 760 000 €.

Mais en réalité, une astuce permet de diminuer l’ISF sur les plus gros patrimoines en renforçant le bouclier fiscal. De quoi s’agit-il ? La mesure votée lors de la loi de finances pour 2007, consiste à faire en sorte qu’un contribuable ne paye pas plus de 60% du montant de ses revenus sous forme d’impôts directs (impôts sur les revenus, impôts locaux sur la résidence et ISF)

Ce bouclier fiscal devrait, selon une étude du Ministère de l’économie et des finances, bénéficier en 2007 à 93 000 personnes dont 77 000 ne seraient pas soumises à l’ISF. A première vue, sur les 34 millions de foyers fiscaux, ce n’est pas grand-chose mais ces chiffres cachent en fait une autre réalité : les 16 000 contribuables soumis à l’ISF bénéficieront de 350 des 400 millions d’euros de remise d’impôt !

Dans les faits, la collectivité devra rembourser à ces contribuables nantis une partie ou la totalité des impôts locaux sur leur résidence ainsi qu’une partie de l’ISF.

Une redistribution du bas vers le haut !

Une véritable «rupture» de l’impôt républicain et citoyen opérée par Nicolas Sarkozy !

Quant à Ségolène Royal, elle a choisi une voie «originale» dans sa campagne : celle de parler le moins possible de fiscalité. Seules figurent dans son pacte présidentiel les propositions N° 12 et 81 (taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées et sanctions financières des communes ne respectant pas le ratio pour les hébergements d’urgence…), aux impacts très limités sur le budget de l’Etat.

L’arrêt de la baisse des impôts sur le revenu pour les plus riches, la suppression de toutes les niches fiscales et du bouclier fiscal sont le point de départ de toute réforme fiscale. Un début d’inversion du rapport entre impôts directs et indirects serait alors possible. Ce rapport de 1 à 6 en faveur des impôts indirects, constitue une sorte de record mondial plaçant la France parmi les pays les plus injustes du Monde en matière de fiscalité.

Les impôts locaux

Les impôts locaux représentent une part de plus en plus importante du total des impôts payés par les Français : 12 milliards € pour la taxe d’habitation (particuliers), 15 milliards € pour la taxe foncière (particuliers et entreprises) et 22 milliards € pour la taxe professionnelle payée par les seules entreprises.

Avec la décentralisation et les transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales, l’augmentation des impôts locaux se fait tous les jours un plus forte. Il n’est pas rare aujourd’hui, pour la plupart des salariés, de «sortir» un mois de salaire pour payer la taxe d’habitation et la taxe foncière !

Ces impôts sont particulièrement injustes puisqu’ils ne sont pas payés en fonction des revenus des contribuables. Leurs bases, complètement archaïques, datent de 1961 (taxe foncière) et de 1970 (taxe d’habitation).

Dominique Strauss-kahn, autre ministre des finances sous le gouvernement Jospin, avait annoncé lors de sa nomination, une réforme globale de cet impôt mais il y renonça finalement au motif qu'il serait trop long de modifier les bases de calcul de cet impôt…

L’intégration de ces deux taxes dans l’impôt sur le revenu puis leur reversement par l’Etat aux diverses collectivités locales constitue un autre chantier prioritaire de la réforme fiscale.

Les droits de succession

Le Président de l’UMP a annoncé également qu’il supprimerait les droits de succession pour les héritiers en ligne directe (enfants, petits enfants…), c’est à dire l’essentiel des droits de succession qui rapportent pourtant 7,2 milliards d’euros tous les ans à l’Etat.

Et il faut faire preuve d’un certain culot pour affirmer qu’il s’agit de transmettre «le capital constitué au cours d’une vie de travail» alors que de nombreux patrimoines ont été acquis au cours de plusieurs générations ou le plus souvent en «dormant», grâce à des placements d’argent en Bourse ou dans les paradis fiscaux…

Supprimer toute imposition du patrimoine serait donc un véritable bond en arrière dans un pays où :

- 10% des ménages détiennent 46% du patrimoine

- 3% des ménages les plus riches détiennent 36% du patrimoine financier

- le rapport des 10% les plus riches et des 10% les plus pauvres est de 1 à 4 pour les revenus mais de 1 à 64 pour les patrimoines !

Avec cette proposition, Nicolas Sarkozy veut réaliser ainsi ce qu’à fait son ami Georges Bush aux USA où dans 10 ans (à législation constante) il n’y aura plus d’impôt sur les successions…

La TVA

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est le principal impôt indirect qui correspondait en 2006 à 51 % des recettes de l’Etat.

C’est l’impôt le plus injuste de tous car son taux est aujourd’hui de 19,6% sur la très grande majorité des produits de consommation et services. Pour un achat de 100 € par exemple, c’est près de 20 € qui sont reversés à l’Etat par le vendeur. Une même somme pour tous : 20 € pour un Rmiste comme pour un PDG…

Pour le conseil économique et social, le taux d’effort des 10% des ménages les plus pauvres est ainsi de 8,1% et celui des 10% les plus aisés seulement de 3,4% !

Mais les apôtres du libéralisme, Nicolas Sarkozy en tête mais aussi François Bayrou, proposent aussi d’étudier l’option de la TVA sociale. En quoi cela consiste-t-il ? Il s’agit de majorer le taux de TVA pour le porter à 23 ou 25%, freinant ainsi la pénétration des produits importés, la différence avec l’ancien et le nouveau taux étant utilisé pour financer la protection sociale.

Dans cette optique, les cotisations patronales sur salaires notamment, seraient alors fortement diminuées, voire supprimées et plus de 80 milliards € environ passeraient ainsi à la charge des consommateurs, chacun payant encore la même somme en euros, quelle que soit sa situation, Rmiste ou PDG…

Toute politique de réduction des injustices sociales passe avant tout par une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité. Cela se comprend aisément car plus un ménage est riche, plus la part de son revenu destinée à la consommation diminue et plus la part destinée à l’épargne augmente et vice-versa.

Et toute réforme fiscale doit être accompagné d’une détermination des pouvoirs publics à lutter contre la fraude et un développement des capacités d’action de l’administration fiscale (5000 suppressions d’emplois à la direction générale des impôts en quatre ans…).

Le conseil des prélèvements obligatoires vient d’évaluer dans un rapport le montant total des irrégularités et des fraudes en matière d’impôts ou de cotisations sociales à un montant compris entre 29 et 40 milliards d’euros !

Le SNUI situait de son côté à la mi-2006 l’évasion et la fraude fiscale dans une fourchette de 42 à 51 milliards d’euros. Si les salariés et retraités sont facilement contrôlés, les entreprises le sont peu, avec moins de 50 000 vérifications de comptabilités pour plus de 3,5 millions d’entreprises soumises à TVA.

Le chantier fiscal est donc très vaste, d’autant qu’il faudrait y ajouter encore la réforme de l’impôt sur les sociétés (14% des recettes fiscales), de la TIPP (8% des recettes fiscales), de la fiscalité écologique ainsi que la réforme du financement de la protection sociale.

Ce n’est qu’en modifiant conjointement tous ces différents types d’impôts que l’on pourra parler véritablement de réforme fiscale aujourd’hui en France ; une réforme plutôt mal partie puisque aucun des quatre principaux candidats à l’élection présidentielle n’a un tel projet global dans ses propositions…
Tag(s) : #Economie - Fiscalité - Social
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